Le plaisir mène la danse

Publié le 28 août 2008 à 16:05 Mis à jour le 14 octobre 2008 à 08:50
Le plaisir mène la danse
Depuis deux ans, Josette participe à Marseille à un atelier de danse où l’improvisation tient une grande place. Avec, à la clé, deux spectacles par an, aux solstices. L’âge des participants s’échelonne de 63 à 85 ans.

Elle habite du côté de l’Estaque, ce quartier de Marseille cher au cinéaste Robert Guédiguian, et qui a su si joliment inspirer les paysages de Cézanne, Braque et Renoir. Chaque année, Josette Orsucci est impatiente de voir arriver le mois de juin pour profiter des bains de mer. “Je me languis…”, glisse-t-elle, avec une expression qui trahit son enracinement de longue date dans le Midi. L’ancienne fleuriste aime aussi courir les collines à la recherche d’asperges ou de champignons et ne se lasse pas d’arpenter les calanques. “De la Côte bleue à Sormiou, je les connais toutes !” On l’aura compris, tricoter, ça va cinq minutes… “Je ne suis pas une personne qui peut rester à la maison dans un fauteuil ou avec les grands-mères à raconter ses maladies”, prévient-elle.

À 75 ans, la dame aime le mouvement. Et fréquente chaque semaine un cours de gym. C’est là, par l’intermédiaire de la fille d’une amie, qu’elle a appris l’existence du cours de danse, animé par Thierry Niang. “Elle m’a dit : « Toi, ça te plairait ! » Alors, pourquoi pas ?”
L’atelier Nouvelle Vague, qui existe depuis trois ans, a pour caractéristique de s’appuyer sur une troupe de seniors. Une idée du chorégraphe, soucieux d’arpenter de nouveaux champs d’exploration. “Dans nos métiers artistiques, nous sommes souvent enfermés dans une même classe d’âge et confrontés aux mêmes compétences physiques. Psychomotricien, j’ai eu l’occasion de travailler avec des gens plus âgés qui m’ont donné à réfléchir sur la création artistique. J’ai aussi fait danser des autistes, des aveugles, des sourds en me posant une question : qu’est-ce qui se passe quand le corps change sous l’effet des années ou d’un handicap ?”, raconte Thierry. Sous sa conduite, aucun geste n’est imposé ; à chacun d’improviser à partir d’une orientation, de chercher, par exemple, à traduire les expressions liées au corps comme “en avoir plein le dos”, “faire peau neuve” ou “perdre la tête”…

À petits pas feutrés ou à grandes enjambées, chaque participant – vingt-quatre femmes et trois hommes – trouve sa place, en fonction de ses capacités physiques et sans jamais paraître ridicule, pour un vrai résultat artistique. Josette a tout de suite aimé cette “ambiance de liberté”, même si elle aurait initialement préféré quelque chose “de plus dirigé”.Je suis d’un caractère assez réservé et, au début, j’étais empruntée. Je me sentais un peu gênée, je n’osais pas me laisser aller. Et puis, cette année, Thierry m’a dit que je m’étais lâchée.”
À la voir évoluer sur la piste en marinière et pantalon rouges, on veut bien croire que la spontanéité l’a emporté sur ses réticences. Et le “chef de bal” confirme les progrès : “Josette est plus juste, moins dans la représentation. Avant, elle interprétait les choses de façon très théâtrale. Aujourd’hui, elle a trouvé du calme, de l’intériorité, elle surenchérit moins, elle cherche seulement à se faire plaisir.”

Rapprocher les générations

Lors de ces rendez-vous, deux à trois fois par mois, cette participante motivée ne songe qu’à se vider la tête… sans se la prendre ! “Je ne me considère pas comme Pietragalla et je ne serai jamais Margaux Fontaine. Simplement, pendant trois heures, je ne pense à rien…” Et c’est avec la même décontraction qu’elle aborde les deux spectacles annuels dans lesquels le groupe met en pratique les acquis de la saison.
En 2006, toujours dans un souci d’ouverture et de rapprochement entre les générations, Thierry Niang avait invité des enfants de CE2 à se mêler aux danseurs seniors durant les cours, puis à partager avec eux l’expérience de la scène. En 2007, des artistes professionnels, comédiens et circassiens (funambules, trapézistes…), étaient conviés à former des binômes avec eux. Cette année, ce sont des artistes juniors qui sont venus apporter leur souffle au groupe.

Là encore, Josette adhère. “Ils maîtrisent la technique, le savoir : à leurs yeux, nous sommes des élèves, mais en retour, nous leur prouvons que la vie n’est pas finie quand sonne l’heure de la retraite”, se félicite la septuagénaire. Et c’est cette image de dynamisme qu’elle souhaite renvoyer. “Thierry a compris qu’il y avait des ressources à développer chez les personnes âgées, qu’il suffisait qu’elles soient entraînées par d’autres. Ici, certains membres de l’atelier sont confrontés à des problèmes de santé, mais ils arrivent à se donner et à suivre. Moi, une chose me met en rogne : qu’on puisse considérer que nous avons déjà un pied dans la tombe et l’autre sur une savonnette !” Et qu’on se le tienne pour dit : personne, si ce n’est son petit-fils, n’est autorisé à l’appeler “mamie”. Sinon, ça pourrait valser !

Si l’expression corporelle vous tente

À la Fédération française d’éducation physique et gymnastique (partout en France), des clubs proposent des ateliers “gym’équilibre” (séquences de jeux, étirements, danse, enchaînements, conçus à l’origine pour prévenir les chutes).

Rens. 01 41  72  26  00

À l’atelier Trimages à Nice (06), sous la direction de Marie-Claire Blanco, directrice et metteur en scène, les seniors se retrouvent lors d’un rendez-vous hebdomadaire. Au programme, travail du corps, de la voix, des expressions, etc. dans une ambiance pétillante et dynamique, couronné en juin par un spectacle “déjanté et burlesque”.

Rens. 04  93  16  89 36.

À l’atelier Le Geste enchanteur (Paris 11e), chaque semaine, pendant 1 h 30 (ou lors de stages de 3 heures ou d’une semaine en été), Évelyne Travigné travaille l’expression corporelle avec des élèves de 60 à 81 ans. Dans une atmosphère “bon enfant”, on y “vit son corps, ses émotions avec bienveillance”, on apprend à se laisser bercer par ses envies.

Rens. 06 14  99  70  80.

Stéphanie Gatignol et Emmanuelle Mary

Publié dans Pleine Vie n° 268, octobre 2008

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