Nutri-Score : le grand absent des rayons

Publié le 15 mars 2018 à 09:00 Mis à jour le 15 mars 2018 à 16:28
Nutri-Score : le grand absent des rayons
Officiellement appliqué depuis plus de quatre mois, le Nutri-Score est censé nous aider à mieux manger. Problème, cet étiquetage nutritionnel simplifié est peu présent dans les rayons des supermarchés. En effet, l'apposition de ce logo demeure facultative.

Cinq lettres et cinq couleurs pour nous inciter à mieux manger, et combattre l’obésité, les maladies cardiovasculaires ou le diabète. C’est l’objectif du Nutri-Score. Il permet au consommateur de connaître en un coup d’œil la qualité nutritionnelle d’un produit. Cet étiquetage, annoncé en grande pompe par le gouvernement en mars 2017, est en vigueur depuis le 31 octobre 2017 après un accord avec l’Union Européenne.

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Mais aujourd’hui, il faut bien l’avouer, ces cinq lettres sont peu visibles dans les rayons des supermarchés. Seulement 33 groupes agroalimentaires arborent à ce jour le Nutri-Score sur quelques-uns de leurs produits. C’est le cas de Danone, Fleury Michon, Materne ou encore Mc Cain. Et également de marques de la grande distribution (MDD) comme Marque Repère (E.Leclerc), Casino, Auchan, et Intermarché.

Selon Serge Hercberg, directeur de recherche en épidémiologie nutritionnelle à l’Université Paris 13 et dont les travaux ont inspiré le Nutri-Score, entre 15 et 20 % des produits apposent cet étiquetage simplifié.

Un important lobbying des industriels

Cette faible adoption du logo par les fabricants s’explique par son caractère facultatif en France et en Europe. Il s’applique au bon vouloir des fabricants. « Dans les années 2000, l’Union Européenne a mis en place un règlement poussé par les lobbys. Il rend impossible l’apposition obligatoire d’un logo nutritionnel au niveau national », expose Serge Hercberg.

« Entre 2006 et 2010, les industriels de l’agroalimentaire européens ont par exemple dépensé plus d’un milliard d’euros en lobbying pour contrer la mise en place d’une indication nutritionnelle simplifiée et obligatoire », explique Mégane Ghorbani, responsable des campagnes pour l’association FoodWatch.

De nombreux industriels sont opposés au logo pour le côté discriminant qu’il apporterait à bon nombre de leurs produits. Par exemple, d’après Serge Hercberg, si ce logo nutritionnel était appliqué, 52 % des produits des marques Unilever seraient classés en orange ou en rouge, 54 % des références de Coca-Cola, et même 86 % pour Mondelez (possède LU, Oreo, Milka, ou encore Côte d’Or…).

Nutri-Couleurs : la riposte des multinationales

En réponse au Nutri-Score, l’Alliance 7, la fédération regroupant les fabricants de céréales, de bonbons et de biscuits a même envoyé un courrier à ses adhérents en novembre dernier selon l’UFC-Que choisir. Elle leur recommande d’appliquer un autre système d’étiquetage. C’est le Nutri-Couleurs, un logo développé par six multinationales de l’agroalimentaire souvent appelé « Big 6 » : Mondelez, Nestlé, Coca-Cola, Unilever, PepsiCo et Mars. Ce dernier a cependant quitté le groupe le 1er mars 2018.

Au lieu d’une seule et unique couleur pour chaque produit comme le Nutri-Score, ce système inspiré du Traffic Lights anglais est moins clair. Il appose une couleur différente pour chaque type de nutriment (sucre, sel, matières grasses). « Par exemple sur une boisson très sucrée bien connue, seuls les sucres apparaîtront en rouge. Les autres nutriments apparaîtront en vert. Cela rend donc l’information moins claire pour le consommateur », explique Mégane Ghorbani, responsable des campagnes pour l’association FoodWatch.

De plus, contrairement au Nutri-Score calculé sur 100 grammes, le Nutri-Couleurs se base lui sur une « portion ». Les fabricants définissent ainsi à leur gré la taille de la portion référence. Elle permet de rendre la notation plus favorable sur leurs produits.

Le Nutri-Score pour changer les recettes des fabricants

Au-delà de changer le comportement du consommateur, le Nutri-Score a pour objectif de faire évoluer celui des marques. Fleury Michon est par exemple dans la liste des 33 groupes alimentaires ayant adopté cet étiquetage. « Nous partageons la volonté d’impulser un logo rendant une information qui soit la plus accessible possible », indique Barbara Bidan, directrice santé et alimentation durable chez Fleury Michon.

« Aujourd’hui, 35 à 40 % de notre gamme porte le Nutri-Score. Nous atteindrons les 100 % d’ici la fin de l’année 2018. Ce logo nous incite à améliorer la recette de certains produits pour optimiser la couleur. Notre objectif est que d’ici 5 ans, deux tiers de nos produits soient étiquetés en A ou en B. »

Un Nutri-Score bientôt imposé ?

Une apposition obligatoire du Nutri-Score doit être rediscutée auprès du Parlement européen d’ici la fin de l’année 2018. Mais la bataille n’est pas encore gagnée. « Il y a un lobbying des fabricants très fort dans certains pays », confie Serge Hercberg. Une campagne publicitaire télévisée sera lancée en France dans le courant du mois de mai 2018 pour promouvoir le Nutri-Score auprès des consommateurs.

En attendant son application obligatoire dans les rayons des supermarchés, le consommateur peut utiliser des sites et applications comme ScanUp ou Open Food Facts. Cette base de données est un peu le Wikipédia des produits alimentaires. Vous scannez simplement le code-barres d’un produit avec votre smartphone. Vous êtes automatiquement informé de ses caractéristiques (ingrédients, valeurs nutritionnelles, additifs…), et surtout de sa note Nutri-Score comme si ce produit en avait été équipé.

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