[INTERVIEW] Jean-Pierre Pernaut, un homme simple : « À l’antenne, je reste naturel »

Publié le 24 décembre 2020 à 09:00 Mis à jour le 30 décembre 2022 à 10:24
Vendredi 18 décembre, il présentait son dernier JT sur TF1. En 33 ans, le journaliste Jean-Pierre Pernaut a fait de ce rendez-vous une institution, jusqu'à son départ en décembre 2020. Plein de projets en tête, l'élan de cet infatigable septuagénaire a été stoppé net par un cancer du poumon. Décédé le 2 mars 2022, celui qu'on surnommait JPP s'est épanché sur l'après-13h dans les colonnes de "Nous Deux" peu après l'annonce de son départ.
   
Adieu Jean-Pierre Pernaut !

La France se souviendra du 2 mars 2022, date du décès de Jean-Pierre Pernaut. Journaliste émérite ayant été fait Chevalier de la Légion d’honneur en 2004 par Jacques Chirac, il a passé 47 ans au sein du groupe TF1 dont 33 ans à la tête de la rédaction du JT de 13h. Son sourire, sa voix reconnaissable entre mille et son air jovial ont animé les déjeuners de nombreux Français. Jean-Pierre Pernaut s’est fait connaître pour son profond attachement pour les régions de France, dont il faisait la part belle dans son édition de 13h. Un parti pris que certains ont critiqué, mais le mari de Nathalie Marquay-Pernaut ne s’est jamais laissé dicté sa vie ni ses envies ! A 71 ans, cet ancien gros fumeur s’est éteint, endeuillant le clan Pernaut et la France entière. Ses collègues de longue date Evelyne Dhéliat, Jean-Pierre Foucaut, Jean-Luc Reichmann, Julien Courbet et même le Président de la République Emmanuel Macron, ont salué sa mémoire à l’annonce de la triste nouvelle. Très populaire, celui que l’on surnommait JPP a été remercié par les quotidiens régionaux dont Le Courrier picard et Nice-Matin. La ville de Louceviennes (Yvelines) où il s’était installé avec sa femme et leurs enfants pleure cette « image de la télé » disparue, comme le rapporte Actu.fr.

Pleine Vie : Que signifie céder votre fauteuil du 13h de TF1 ?
Jean-Pierre Pernaut : Je ressens une vive émotion, car ce journal est un peu mon bébé. Il va poursuivre sa vie sans moi. Je suis fier du résultat. Je vais changer de rythme de vie. Habitué à me lever tous les matins à 6 heures, à bientôt 71 ans, je vais pouvoir me réveiller un peu plus tard… A TF1, les présentateurs sont aussi responsables de leur journal, de sa conception au choix des sujets. C’est une lourde mission qui occupe à temps plein. Depuis mon cancer il y a deux ans, j’avais le besoin de ralentir. Nous y avons bien réfléchi avec ma femme.

PV : Pendant ces trente-trois ans au 13h, aviez-vous déjà pensé interrompre l’aventure ?
Jean-Pierre Pernaut : Pour que le journal demeure au top, on doit se bagarrer. Alors, non, je n’ai jamais ressenti de lassitude qui m’aurait poussé à lâcher. Mais j’avais pensé à préparer la suite, à prendre les devants.

PV : De quelle manière ?
Jean-Pierre Pernaut :  Je suis à TF1, dont j’ai été administrateur, depuis quarante-six ans. C’est ma famille. Je me soucie de l’avenir de ce journal, différent des autres. On a construit un édifice solide. Leader des rendez-vous d’info de la mi-journée en Europe, figurant dans le Top 10 des JT les plus suivis au monde (hors Asie), il se porte bien. Je ne peux pas décréter de m’accrocher à mon fauteuil et attendre qu’il décline avec moi. En voyant le temps avancer, depuis quelques années, j’ai plusieurs fois évoqué ma « sortie » avec mes patrons. Après mon cancer en 2018, j’ai senti qu’ils posaient un regard différent quand j’abordais ce sujet. Finalement, lorsque j’ai décidé d’arrêter, ils m’ont écouté.

PV : Vous ne l’avez pas seulement incarné, vous avez créé un JT à part. Etes-vous conscient d’avoir inscrit votre nom dans le grand livre de l’Histoire de la télé ?
Jean-Pierre Pernaut : Je suis rouge de confusion… On m’a demandé de faire un journal plus proche des gens, ce que j’ai fait avec cœur et constance. On a tout d’abord créé un réseau de correspondants en régions, ce qui n’existait pas ; on a inventé ce métier. Autre révolution, on a passé « l’institutionnel » au second plan et donné la priorité à la parole des vraies gens. Les reportages racontent des histoires humaines. Au nombre des évolutions, il y a eu encore les rubriques SOS Villages ou Le Plus Beau Marché de France…

PV : La concurrence s’est parfois fortement inspirée de votre grammaire. Pourquoi n’a-t-elle pas rencontré le même succès ?
Jean-Pierre Pernaut : Ce que nous faisons vient du cœur ! Le 13h n’est pas le fruit d’une réflexion marketing, mais d’un travail de ressenti. Il me ressemble.

« Je cuisine, je vide les poubelles, je tonds le gazon : je vis normalement ! »

PV : Vous êtes l’une des dernières grandes stars de l’info. Comment avez-vous maintenu cette proximité avec le public ?
Jean-Pierre Pernaut : Je vis normalement. Je ne sors pas dans les soirées mondaines. Je cuisine un pot-au-feu quand il fait froid. Je vide les poubelles. Je tonds le gazon et je taille les rosiers. Je m’occupe des enfants. Bref, nous menons une existence normale avec ma femme. A l’antenne, je reste naturel. Je suis comme le public auquel je m’adresse. Je ne suis pas enfermé dans une tour d’ivoire.

PV : Un récent sondage vous place à nouveau en tête des personnalités de télé préférées des Français. Comment accueillez-vous ce genre de distinction ?
Jean-Pierre Pernaut : Elle conforte la fierté des audiences faramineuses du 13 heures,qui rassemble 5 à 6 millions de personnes par jour. Ça me rappelle les quatre 7 d’Or du public, reçus dans les années 1990. Je figure aussi en bonne place du sondage du JDD sur les Français préférés des Français… Tout cela fait très plaisir !

PV : Passer plus de temps auprès des vôtres, était-ce une décision collégiale ?
Jean-Pierre Pernaut : Oui, nous l’avons décidé avec mon épouse. Nous en avions longuement parlé lors du premier confinement, passé à la maison sur décision du médecin du travail. Je réalisais mes séquences pour le 13 heures depuis chez nous. Ce changement de rythme nous a convaincus.

PV : Votre famille est-elle heureuse de savoir que vous serez plus présent à la maison ?
Jean-Pierre Pernaut : Je ne sais pas si je le serai plus. J’ai encore beaucoup de travail dès janvier : une émission sur LCI, des reportages, la plateforme sur les régions et un livre.

PV : Serez-vous plus derrière Tom et Lou, vos deux derniers enfants ?
Jean-Pierre Pernaut : Un peu plus, mais je ne prends pas ma retraite ! Ma fille suit des études artistiques et mon fils prépare son bac. Très branchés réseaux sociaux, ils publient notamment sur TikTok (réseau de partage de vidéos, ndlr). Cet été, des gens qui ne m’avaient pas reconnu sont venus leur demander des selfies. La notoriété a passé une génération (sourires).

PV: Allez-vous de nouveau écrire pour le théâtre avec votre épouse, Nathalie ?
Jean-Pierre Pernaut : Oui, cela fait partie de nos envies. J’aurai bientôt plus la tête à ça.

PV : A peine parti, on dirait que le public vous lance « JPP, reviens ! » Emouvant ?
Jean-Pierre Pernaut : Je reçois beaucoup de messages de jeunes et de plus anciens téléspectateurs, qui se disent tristes de mon départ. J’espère qu’ils me suivront sur LCI et JPP TV !

Un agenda bien chargé…

Le 18 décembre, le journaliste a lancé JPP TV, plate-forme digitale sur les régions qui recense les images des JT de TF1. Il a animé son émission où il donne la parole aux téléspectateurs, Jean-Pierre & Vous, sur LCI avant de devoir s’éloigner des plateaux télé pour se reposer. Au Parisien, fin février, ses collègues avaient fait part de leur tristesse par rapport à son absence prolongée. Jean-Pierre Pernaut a livré ses souvenirs au sein de ses années aux rênes du 13h dans 33 ans avec vous (éd. M. Lafon).

Cette interview a été publiée dans le magazine Nous Deux numéro 3834 du 22 au 28 décembre 2020.

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