Qu’est devenu Amine El Kahtmi, le résistant de la laïcité ?

Publié le 24 février 2016 à 16:42 Mis à jour le 30 décembre 2022 à 10:31
Le resistant de la laicité
Victime d'insultes et de menaces sur twitter il y a tout juste un mois pour avoir osé défendre la laïcité, le jeune élu d'Avignon revient sur cet épisode.

Tout a commencé par un tweet le 21 janvier dernier. Alors qu’il regardait comme quelques millions de Français « Des paroles et des actes », l’émission de Davis Pujadas diffusée sur France 2 avec comme invités Alain Finkielkraut et Daniel Cohn-Bendit, une enseignante de Noisy-le-sec, Wia Berhouma, qui se présente de confession musulmane et s’affirme apolitique, pose une question sur le racisme qui sévit en France à l’encontre des musulmans. Puis la jeune femme agresse le philosophe Alain Finkielkraut, le qualifiant de « pseudo-intellectuel« , aux « théories vaseuses » avant d’asséner « Vous n’êtes pas musulman, comment vous octroyez-vous le droit de parler des musulmans ? » et de clore par un « taisez-vous, Monsieur Finkielkraut « . Le jeune élu socialiste de 28 ans, adjoint au maire, délégué aux quartiers nord de la ville d’Avignon bondit sur son siège. En tant que républicain, attaché à la laïcité, il se fend d’un tweet pour marquer sa désapprobation envers les propos de la jeune enseignante tant sur la forme que sur le fond. « Il était pour moi impossible en tant que Français nourri aux valeurs républicaines, qu’un débat public sur la laïcité soit parasité par des discours religieux ou identitaires d’autant que selon moi une telle attitude ne fait que le jeu du Front national « . Son tort ce soir là ? Oser critiquer sur le réseau social les propos de l’enseignante qui soit dit au passage mobilisa l’antenne dans un monologue durant plusieurs longues minutes pour faire passer son discours malgré quelques molles tentatives de recadrage de David Pujadas.

Une fatwa numérique

La suite ressemble à une fatwa numérique avec comme objectif une attaque généralisée sur la laïcité. En quelques heures, des milliers de tweets s’abattent sur Amine, tous plus haineux les uns que les autres. Puis le rythme s’accélère et ce sont bientôt des dizaines de milliers de messages !

Le lendemain, Amine découvre que la jeune femme en question appartient en fait aux Indigènes de la République, mouvement politique crée en 2005 qui se définit comme anti-colonialiste, antisioniste et luttant contre toutes les formes de discrimination. « On est loin, remarque alors Amine, du profil d’une jeune femme apolitique« . Le dérapage ne se fait pas attendre. L’élu d’Avignon se fait bientôt traiter en tant que « musulman qui n’a pas défendu sa sœur » de « traitre « , « harkis« , « collabo« , « serpillère du PS« , etc. Au total dix jours d’insultes et de menaces par réseaux sociaux interposés, à l’image des guerres médiatiques qui sont livrées aujourd’hui.

Des comptes qui mobilisent 50 000 abonnés en un clic

« C’était très pénible, confie Amine. J’ai choisi de très peu répondre pour ne pas faire de surenchère à ce fanatisme mais il n’était pas question pour moi de laisser tout passer. Je suis un enfant d’Avignon, j’ai été élevé dans les valeurs de la République où la laïcité est le socle du vivre ensemble. Je suis musulman pratiquant mais n’en fais pas la démonstration. Ma religion reste du domaine de la sphère privée. En aucun cas elle n’ ‘interfère avec ma vie publique ». Fort de cette conviction, l’élu brandit l’étendard de la laïcité sur le réseau social et provoque l’ire des internautes. « Après quelques recherches, poursuit-il, j’ai compris que ces gens là étaient très organisés. Quelques comptes tenus par des extrémistes drainent jusqu’à 50 000 abonnés et peuvent déclencher en quelques minutes, une avalanche de réactions sur les réseaux sociaux. Il suffit d’appuyer sur un bouton et tous les sympathisants envoient un message ».

Le printemps républicain

Un mois plus tard, Amine a repris le cours de sa vie d’élu dans les quartiers d’Avignon, notamment à la Reine Jeanne, l’un des plus pauvres de la ville. « La situation est grave. Il faut résister. Que les gens qui veulent défendre la laïcité se regroupent et se mobilisent  » dit-il avant d’évoquer un de ses amis, professeur de philosophie dans les quartiers nord de Marseille qui lui a raconté comment quelques-uns de ses élèves se bouchent désormais systématiquement les oreilles durant les cours pour ne pas entendre une discipline qui est « péché » selon l’imam du quartier… « Si on ne peut plus affirmer sereinement sans se faire lyncher que notre pays est un état laïc, que la séparation du politique et du religieux en est l’un des fondements, c’est qu’il faut agir et vite. Les gens modérés et tolérants sont beaucoup plus nombreux que les fanatiques. La laïcité, malmenée à l’école, dans les espaces publics et à l’université doit revenir au cœur du discours des politiques ».

Amine vient donc de rejoindre Le printemps Républicain, mouvement apolitique qui vient d’être formé par des citoyens de tout bord autour de la défense de la laïcité. A leur côté, il participera à la marche du 20 mars à Paris. D’ici là, il commence l’écriture de son livre où il décrira le parcours, son parcours, celui d’un enfant des quartiers, devenu élu politique.

A lire sur Pleine vie.fr

L’interview de Nadia Remadna

A lire sur le web :

Des paroles et des actes en replay

Le parti des indigènes de la République

Le printemps républicain  

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