Alix de Saint André ou la psychose sous baclofène

Publié le 18 mai 2016 à 13:00 Mis à jour le 30 mai 2016 à 09:15
Alix de Saint-André
Dans son livre L'Angoisse de la page folle, Alix de Saint-André nous convie à entrer dans le domaine de la psychose sous baclofène. Effet indésirable, bien sûr.

Un Ovni littéraire que ce dernier livre d’Alix de Saint-André, journaliste et auteure de l’excellent « Les Chemins de Compostelle » aux éditions Gallimard. Nous voici à nouveau plongé dans sa vie par le biais d’un journal intime qui détaille jour après jour les effets secondaires du baclofène, un médicament générique « à deux balles », utilisé contre la sclérose en plaque et qui à haute dose vient à bout de l’alcoolisme. Sauf qu’ Alix ne le prend pas pour lutter contre le besoin irrépressible d’alcool, le « craving », mais celui tout aussi irrépressible de fumer.

Le baclofène, une découverte nobélisable

Encouragée dans cette démarche par une amie médecin, elle se joint à la cohorte des disciples du Dr Olivier Ameisen qui bataille pour obtenir une reconnaissance officielle du médicament dans le traitement de l’alcoolisme. Nous sommes en 2008. A l’époque deux écoles s’affrontent : les « pour » qui voient dans cette nouvelle utilisation du baclofène une découverte nobélisable et les contre qui refusent de croire qu’un médicament puisse guérir de l’alcoolisme sans imposer l’abstinence aux buveurs.

Que du bonheur !

Voici donc notre Alix métamorphosée en cobaye pour la cause des fumeurs. Et çà commence fort : Du bonheur, du bonheur, que du bonheur, écrit-elle allant jusqu’à démontrer que grâce au baclofène elle peut faire des roulades sans se faire mal. Et de joindre le geste à la parole dans le cabinet du psychiatre. Bref, on l’aura compris : quelque chose cloche chez Alix qui est aspirée dans le tourbillon de la psychose. Suivent trois semaines à se désintoxiquer de la molécule dans une clinique chic de Meudon où elle va se frotter à la folie, pages émouvantes, et six mois d’arrêt maladie qu’elle va traverser la boule au ventre. Tout çà pourquoi ? Pour multiplier sa consommation de cigarettes par deux, se gaver de psychotropes et ne plus toucher une goutte d’alcool… ce qui n’était pas l’objectif premier…

CQFD : la prise de baclofène n’est pas sans risque

Ce qui gène le lecteur, c’est l’aspect brouillon du récit qui semble être écrit à la va-vite, peut-être pas dans le temps mais sûrement dans l’urgence.  Effet du baclofène ? C’est aussi le mélange des genres, pas assez documentés pour une enquête journalistique, pas assez littéraires pour un récit « gallimardien ». C’est enfin et surtout l’insinuation qui dérange sans que celle-ci soit clairement formulée. Résumons : le baclofène est dangereux, oui mais pour qui ? Pour ceux qui désirent confortablement s’arrêter de fumer ou pour ceux pour qui il ne reste plus que quelques mois à vivre s’ils continuent de boire ? C’était le cas d’Olivier Ameisen qui n’avait d’autre altermative que de tester sur lui même le médicament pour guérir son « craving » morbide. Maintenant, et on entend bien, le baclofène nécessite d’être testé afin de mieux cerner les effets secondaires. Nous en saurons plus d’ici quelques années : une étude sur les effets indésirables du baclofène a été lancée en janvier dernier sur 800 volontaires. Elle devrait durer trois ans. D’ici là, espérons que le vieux médicament à « deux balles » sauvera de nombreux alcooliques. On aime Alix de Saint André, mais cette fois-ci elle n’aura pas fait mouche.

A lire (tout de même)

L’angoisse de la page folle, Alix de Saint-André, 318 p., Gallimard, 21,50 €.

Commentaires

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Pleine vie