Des prisonniers commissaires de l’exposition « Les Misérables » à Réau
Certains lisent, d’autres pas et tous ont un souvenir lointain des Misérables. La portée de l’œuvre leur échappe parfois mais la résonance aux problématiques actuelles de la réclusion et de l’exclusion les concerne. Leur pain quotidien, c’est pas le bagne, mais une prison moderne où l’on se coiffe de deux ans à perpette ! Emboîtant le pas du forçat Jean Valjean, les questions s’enchaînent : Qu’est-ce que la réinsertion ? Comment l’anticiper ? Et devenir un citoyen normal pour la société ? Trouver sa place ?. Et la sentence de l’écrivain, mise en exergue de l’exposition tranche l’espoir comme un couperet : « La libération n’est pas délivrance. On sort du bagne mais pas de la condamnation « .
Une initiative de réinsertion par la culture
Séduire ce « public empêché », souvent mis à l’écart de l’art et de la création, est le credo de Vincent Gille, chargé d’étude à la maison Victor Hugo. C’est son métier de monter des expositions sans cultiver l’entre-soi culturel. A l’origine d’un projet similaire sur le thème du voyage, il récidive, changé par l’aventure carcérale : « L’expérience les a enrichis, transformés. Il en est de même pour nous « .
9 volontaires pendant un an
Ce n’est pas une mince affaire de se réunir une demi- journée par semaine pendant plus d’un an… dans une prison. D’aller et venir sous les yeux des taulards moqueurs…sous bonne escorte. D’investir une salle aménagée plus vaste qu’une cellule… sans barreaux aux fenêtres. De travailler en groupe mixte… sans préjugés ni disputes. Et de reprendre confiance, exprimer son opinion, rompre le silence et la solitude des journées verrouillées. Pour combattre les idées reçues et gagner l’estime de soi.
Sans Internet mais avec les originaux
Les détenus doivent s’approprier cette œuvre d’utilité publique, lire à haute voix, archiver, et dégager les thèmes. Internet n’ayant pas de droit de visite en prison, les manuscrits, photos, tableaux, sculptures exposés sont sélectionnés sur photocopies. Coups de gueules et délibérations musclées pour emporter le morceau ! Mais l’émotion est palpable quand les originaux arrivent ; l’écriture de Hugo, les dessins à l’encre… sa plume géniale émeut, le géant devient proche !
L’art en taule, c’est la porte ouverte
Ils organisent un parcours libre de contraintes, où l’on peut aller et venir comme dans un rêve éveillé. Architectes, scénographes, conférencières encadrent leurs démarches. Durant l’année, aucun ne manque à l’appel et tous voudraient recommencer. Dans ce huis clos, ils se sentent dégagés du quotidien, les distances avec l’art sont abolies. Les voir renseigner le public et transmettre à leur tour est une victoire pour toute l’équipe. Intra muros, liberté grande.
Exposition organisée par le service pénitentaire d’insertion et de probation de Seine-et-Marne et le Centre pénitentiaire sud-francilien. 26 janvier-26 avril 2016
Pour en savoir plus :
Sur le site de Pleine Vie :
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