LE LIVRE DU WEEK-END : « Tu t’appelais Maria », le tango macabre de Vanessa Schneider

Publié le 22 septembre 2018 à 08:00 Mis à jour le 22 septembre 2018 à 08:00
L'un des romans les plus remarqués de la rentrée littéraire, "Tu t'appelais Maria" de Vanessa Schneider, cousine de l'actrice du "Dernier tango à Paris", Maria Schneider, raconte comment un scénario et cinéma ont broyé une jeune femme définitivement !

Au générique du film le plus scandaleux des années 70, un mythe – Marlon Brando – et une mineure de 19 ans que Le Dernier Tango à Paris va livrer en pâture à des foules prêtes à l’aduler autant qu’à la conspuer. Maria Schneider est morte en 2011. Fauchée par le cancer après une vie marquée au fer rouge par la vomitive scène du « beurre »… son viol face caméra par un partenaire quadragénaire.

Descente aux enfers

Drogue, alcool, internement : Maria a payé cash cette « gloire » à laquelle rien ne l’avait préparée et Vanessa Schneider, sa cousine, assisté de près à sa dégringolade. De 17 ans son aînée, Maria riait, parlait trop fort, faisait peur à son frère ; la fillette voyait ses bras bleuis, surprenait ses shoots, mais elle aimait aussi s’asseoir sur ses genoux, s’enfouir dans les cheveux bouclés de ce personnage hors norme auquel elle offre réparation d’un tendre : « Tu étais autre chose que ce corps exhibé ».

Couvée par B.B.

Ce portrait subjectif dessine une femme qui attira tous les regards, sauf ceux qu’elle espérait capter. Celui d’une mère qui la mit à la porte à 15 ans. D’un père aux abonnés absents – le comédien Daniel Gélin – qui ne la reconnut… qu’officieusement. L’oiseau blessé que Bardot avait pris sous son aile, pensait livrer ses mémoires, assistée par sa cousine devenue journaliste. La violence des souvenirs la fit renoncer. Vanessa Schneider s’autorise à réinvestir leur projet, parce que l’existence de Maria s’imbrique dans la sienne, comme une pièce majeure d’« une famille où la folie et le malheur ne sont jamais loin » et qu’elle assume entre fierté et fardeau.

Un scénario difficilement acceptable

Intime, son récit entre en résonance avec une société marquée par l’affaire Weinstein. Ce qu’infâme veut, l’époque n’en veut plus ; elle appelle un porc un porc et, non, ce ne sont pas les « simples » dérives de la liberté des années 70 qui ont sali Maria, mais le vil scénario ourdi par Bertolucci, réalisateur prêt au pire pour doper sa danse macabre. Hollywood avait relégué Brando chez les « has been » ; il tenait une occasion de se refaire, il ne fut pas très regardant. Maria lui a pardonné. Âme noble. Nous, nous ne danserons plus jamais de Tango à Paris.

Tu t’appelais Maria Schneider. Vanessa Schneider. Grasset. 249 p. 19 €

Qui est l’auteur ?

1969 Naissance. Son père est l’écrivain et psychanalyste Michel Schneider.

2008 Publie « La mère de ma mère », son premier roman autobiographique.

2011 Intègre le service politique du Monde.

2015 Coécrit Le mauvais génie, enquête consacrée à Patrick Buisson, l’ancien conseiller de Nicolas Sarkozy

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