Un homme à histoires de Patrick Rotman : le coup de coeur d’Olivier Barrot
L’aura-t-on assez répété, la destinée politique de François Mitterrand et le personnage lui-même revêtent une épaisseur et une complexité proprement romanesques. Aussi est-il tout à fait légitime qu’un écrivain et cinéaste aussi averti que Patrick Rotman s’approprie ce héros que définissent des adjectifs contradictoires, cynique et convaincu, séduisant et détestable. L’auteur s’invente un double de fiction, journaliste à L’Express, qui entreprend de raconter en fresque deux décennies de « l’aventure » Mitterrand – car c’en est une, bel et bien – de l’après-guerre aux années soixante. Tout ici est véridique, ou, mieux, vraisemblable, les protagonistes sont de chair et portent leur vrai nom, ce livre d’histoire(s) qui justifie son titre ressortit exactement à la catégorie du roman. Car Rotman excelle dans l’approche psychologique du jeune provincial hésitant entre vie spirituelle et aspirations littéraires, séducteur compulsif fasciné également par des hommes aussi différents que le général Salan et Pierre Mendès France, proche à la vie à la mort d’un Bousquet comme d’un Chaban-Delmas. Le récit de cette vie, ce sont aussi les épisodes proprement picaresques, que Rotman égrène avec jubilation, l’affaire dite « des fuites« , l’attentat de l’Observatoire, la rencontre délectable avec une starlette nommée Brigitte Bardot, la passion du tennis chez un individu qui déteste perdre. L’un des écrivains préférés de François Mitterrand n’était-il pas Henri-Pierre Roché, l’auteur de Jules et Jim, dont s’empara Truffaut, l’histoire d’une femme entre deux hommes et qui se refuse à choisir ?
Un homme à histoires. Patrick Rotman. Le Seuil, 550 p., 21 €
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