Michel Delpech enterré au Père-Lachaise

Publié le 8 janvier 2016 à 07:00 Mis à jour le 8 janvier 2016 à 07:00
Michel Delpech
Après une cérémonie à 11 heures en l'église Saint-Sulpice, le chanteur sera inhumé dans le plus célèbre cimetière parisien.

Nous avions rencontré Michel Delpech, il y sept ans, à l’occasion de la sortie de son album Sexa. Il nous laissera le souvenir d’un homme pausé et sympathique, à la parole franche et directe. Voici la retranscription d’une interview parue dans Pleine Vie à cette occasion, en août 2009. Histoire de refaire un dernier petit tour, entre ses bras…

Pourquoi avoir appelé votre album Sexa ?

En cherchant un titre pour ce disque, je suis tombé sur un magazine qui parlait des quinquas. Immédiatement, « sexa » m’est venu à l’esprit. Le mot est sec, court, il sonne. Il correspond à mon âge d’aujourd’hui et évoque plein de trucs rigolos : sexy, saxo, Sixties… Il m’a amusé.

Pour revendiquer ainsi votre âge, il faut que vous soyez bien dans vos baskets !

Bien sûr, je n’aurais pas pu l’affirmer avec autant de légèreté s’il me pesait. J’ai très bien traversé toutes les décennies critiques – quadra, quinqua -, l’âge ne m’a jamais posé de problème. Je n’ai toujours vu que du bon à cette marche en avant. On gagne en sérénité et la perspective de l’échéance finale fait qu’on écarte plus vite l’inutile, on élague, on s’allège. Je trouve la soixantaine formidable parce qu’il reste encore beaucoup à faire, avec une vigueur quasi-intacte. On se sent suffisamment fort physiquement et on l’est beaucoup plus mentalement.

Dans quel environnement avez-vous été éduqué ?

J’ai grandi, à Courbevoie, dans un milieu très simple. Mon père avait un atelier de chromage et nickelage de métaux, un boulot pénible, mais dont il n’était pas malheureux parce que c’était sa petite entreprise à lui. Ma mère restait au foyer à veiller sur moi et sur mes deux sœurs plus jeunes. Nous avons été élevés dans une ambiance pas « cul-serré », avec des valeurs comme l’honnêteté, la discrétion qu’on nous apprenait sans cesse. Nous formions une famille de Français moyens.

Vous avez connu le succès très tôt. Vous n’avez jamais pris la grosse tête ?

Si, sans doute, par instants. Quand vous êtes jeune et que tout vous arrive sur un plateau, c’est parfois un peu grisant. J’avais peut-être des attitudes un peu capricieuses inhérentes au star-system de l’époque. C’était une pose que nous partagions tous. Comme nous étions un peu pionniers, nous nous sentions le droit d’agir en petits rois. On exigeait ! J’ai cédé à ces sirènes-là, mais c’est passé relativement vite.

Quel est le regard du « sexa » sur le Michel Delpech de l’époque des grands tubes ?

C’était quelqu’un de jeune qui avait sûrement un potentiel, mais qui exprimait surtout l’aspect superficiel de sa personnalité. Il a cependant fait de belles chansons… J’ai eu parfois la tentation de le juger un peu sévèrement. Il me semblait un brin ridicule avec ses pattes d’éléphant et toutes les couleurs vives qu’il se mettait sur le dos. C’était une erreur parce qu’au fond, j’étais profondément différent de ça. J’ai longtemps donné de moi une image excentrique à cause de ma manière d’être, de mes brushing, d’un look pas très élégant. Il y avait beaucoup de vulgarité dans ma façon de me vêtir et je le regrette un peu parce qu’il a fallu beaucoup de temps pour qu’on voit autre chose en moi.

C’est aussi une période où vous avez connu l’alcool et la drogue…

Oui. C’est une faiblesse de céder à ces choses-là parce qu’elles font partie de la panoplie, mais, bon, j’étais jeune, je venais de ma banlieue tranquille, j’avais envie de tout connaître. Je ne le regrette pas : il fallait que j’y passe.

Votre dépression, entre 1978 et 1985, s’est accompagnée d’une quête spirituelle. C’est toujours quelque chose qui vous intéresse ?

Enormément et, depuis que je suis très jeune. J’aime avoir des moments de calme, de recul, ce que je haïssais auparavant. Je suis chrétien. J’ai été élevé dans le catholicisme sans qu’on me force à quoi que ce soit et j’ai eu assez vite le sens du sacré. Lors de ma première communion, j’ai été bouleversé par l’atmosphère de l’église, la liturgie. Vers 25 ans, je me suis mis à lire des ouvrages intéressants sur la question qui n’étaient pas des livres chrétiens. Je suis ensuite passé par un tas d’expériences, je suis allé vers d’autres religions, j’ai fait un tour par l’hindouisme pour finalement revenir au christianisme. Et je prie tous les jours.

Chantez-vous toujours en prison ?

Je ne l’ai pas fait depuis un certain temps, mais j’aime beaucoup aller dans des endroits où l’on a besoin des chanteurs. L’expérience est très traumatisante. La première fois que je m’y suis rendu, c’est à celle des femmes de Fleury-Mérogis et j’ai mis huit jours à m’en remettre ! Je trouve d’ailleurs que le système carcéral est archaïque. Il faut empêcher de nuire toute personne qui peut être mauvaise à la société – en étant même être beaucoup plus rigoureux concernant les remises en liberté -, mais on pourrait le faire dans de meilleures conditions de vie. Nous sommes tous frères quand même ! Même si certains ont commis des choses épouvantables, ils restent des humains.

Certaines chansons de votre album, comme Les belles et l’automne sont-elles autobiographiques ?

Elles le sont toutes un peu. Concernant ce titre, je suis depuis longtemps fidèle à la même femme. Quand je chante que je renonce à toutes les autres, c’est fait depuis longtemps ! Je ne t’aurais pas vue est aussi adressée à mon épouse. Dans ma prime jeunesse, elle n’était pas de celles qui auraient attiré mon attention. J’étais avec des filles plus vulgaires, des groupies tournant autour des chanteurs. A 20 ans, j’étais tous les soirs en boîte à écouter de la musique à fond. Dans ce contexte, j’aurais été trop absorbé pour l’apercevoir. Aujourd’hui, nous sommes extérieurs au show-bizz. Nous vivons très simplement, pas très loin de Paris avec des enfants, des animaux, des amis. Nous recevons plutôt chez nous. J’ai toujours eu horreur des mondanités.

Vous avez été père à seulement 24 ans. Vous étiez prêt ?

Pas du tout. Et je ne me sens dans ce rôle que depuis très peu de temps. Etre un père, c’est avoir la force de ne pas penser qu’à soi dans bien des cas, d’accompagner son enfant d’un oeil bienveillant, de comprendre où il en est, de le suivre sans le montrer ou pas trop… Il faut, si nécessaire, frapper fort en paroles savoir mettre en garde, être juste sans être violent : c’est tout un art, c’est être un homme, en fait. J’ai longtemps été trop égocentré, pas assez éveillé pour ça. Aujourd’hui, je vois parfois dans mon action avec mes trois enfants de 39 ans à 19 ans, une espèce de puissance. Je peux avoir sur eux un impact moral que je n’avais pas auparavant.

Votre aînée a eu des démêlés avec la drogue. Vous avez culpabilisé ?

On culpabilise toujours de sentir son enfant malheureux, mais ça ne sert pas à grand’chose. Il faut prendre sa part de responsabilités et surtout voir comment on peut agir. Il fut toute un temps où je n’ai rien pu faire, parce que ma fille vivait à l’étranger. Et puis, je lui ai fait connaître mon amour, mon envie que les choses reviennent à la lumière. Elle a finalement renoncé à la drogue et, non seulement ça, mais elle éduque désormais ceux qui sont dans la situation où elle se trouvait à l’époque. C’est une belle reconversion dont je suis très content.

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