Vincent Lindon joue avec le feu dans Les chevaliers blancs

Publié le 20 janvier 2016 à 10:00 Mis à jour le 20 janvier 2016 à 10:00
Nouveau choix de carrière judicieux pour le comédien qui contribue à la qualité de cet excellent film de Joachim Lafosse inspiré par l'affaire de l'Arche de Zoé.

Le pitch

Président de l’ONG Move for Kids, Jacques Arnault (Vincent Lindon) dispose d’un mois pour trouver trois cents enfants en bas âge dans un pays d’Afrique dévasté par la guerre et les ramener en France afin qu’ils y soient adoptés. Les Chevaliers blancs s’inspire de l’affaire de l’Arche de Zoé, cette association humanitaire qui tentait, en 2007, d’exfiltrer du Tchad une centaine de gamins présentés comme des orphelins du Darfour. Arrêtés sur le tarmac de l’aéroport, ses responsables ont été condamnés en appel en France, en 2014, à deux ans de prison avec sursis.

L’enjeu : une certaine idée du bien

Qu’est-ce que le bien ? Peut-on, en son nom, recourir à des méthodes bien plus que discutables ? C’est en vertu de son idéal d’occidental généreux qu’agit Jacques Arnault. En partant du principe que l’avenir des petits Africains sera forcément plus radieux en France que sur leur sol meurtri. Alors, il franchit la ligne rouge. En graissant la patte des chefs de clan qu’il pervertit pour accélérer le mouvement. En faisant croire à la population que les orphelins seront accueillis dans un dispensaire jusqu’à leurs quinze ans. En prenant le risque d’en embarquer certains, sans être vraiment sûr qu’ils n’ont plus de parents… Joachim Lafosse pointe du doigt une forme de néocolonialisme humanitaire et creuse son sillon dans un enfer pavé de bonnes intentions. Il inscrit ces Chevaliers blancs dans la lignée d’A perdre la raison où un médecin prenait un jeune couple sous son aile jusqu’à l’asphyxier dans une dépendance excessive. Avec un quintuple infanticide à la clé…

Pourquoi c’est réussi

Parce qu’il est judicieux d’avoir pensé à Vincent Lindon pour incarner l’ambivalence de cet humanitaire. Le comédien jouit d’un tel capital-sincérité que l’on ne doute jamais de la bonne foi de son personnage. D’autant qu’il se met en danger physiquement et ne transgresse pas toujours consciemment la frontière entre la morale et l’immoral.

Parce que rien n’est ici tout blanc ou tout noir, hormis les couleurs de peau. Lafosse restitue la complexité de la réalité du terrain autant que celle de l’adoption. Dans des pays sans registre national, comment être certain que tous les gamins sont orphelins ? La raison imposerait la prudence, mais la douloureuse impatience des parents en mal d’enfants encourage les dérives. Dans cet environnement mouvant et émouvant, les convictions les plus solides sont mises à rude épreuve. Comme celles de cette journaliste (Valérie Donzelli) qui laisse ses émotions prendre le pas sur la distance et le sens critique qu’impose sa profession.

Parce que Joachim Lafosse ne verse pas dans le « prêt à penser ». Il trace des pistes de réflexion dans la poussière du désert, sans jamais dicter à son spectateur ce qu’il doit conclure. A chacun de juger. En conscience.

Les chevaliers blancs. Drame de Joachim Lafosse avec Vincent Lindon, Valérie Donzelli, Louise Bourgoin, Reda Kateb. (Sortie le 20 janvier)

L’info en + :

Vincent Lindon incarnera Rodin dans un biopic sur le sculpteur signé Jacques Doillon.

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