Yves Calvi : « Ca me fait plaisir qu’on ne sache pas si je vote à droite ou à gauche. »

Publié le 27 août 2015 à 09:47 Mis à jour le 1 septembre 2015 à 11:52
Yves Calvi
A 56 ans, il rempile aux manettes de la matinale de RTL et de C'est dans l'air. Fidèle à un "journalisme un peu à l'ancienne" qu'il "assume tout à fait" et à sa perpétuelle obsession : "chercher à être compris".

Pourquoi êtes-vous devenu journaliste ?

Ma mère (ndlr : Yvette Dolvia) était comédienne et chanteuse ; mon père (ndlr : Gérard Calvi) compositeur de musique et j’ai grandi entouré d’artistes. Petit garçon, je suis allé en vacances avec De Funès, Serrault était un intime… Je me suis intéressé à ces professions, mais, à un moment, il m’a fallu mettre en phase ma personnalité – ou ma flemme ! – avec mes intentions. J’ai eu envie, par exemple, de faire de la mise en scène de cinéma, mais il fallait rentrer à l’IDHEC et être bon en maths. Avec une réelle volonté, j’aurais dépassé ces obstacles. Je me suis donc dirigé vers le métier qui, dans un second temps, m’attirait le plus. Et je pense que le journalisme était fait pour moi. Je ne suis pas un artiste, je n’ai pas au fond de moi un message à délivrer comme ces peintres, musiciens etc., qui ont vraiment quelque chose à donner.

Vous démontrez qu’une belle carrière n’implique pas une scolarité exemplaire.

J’ai commencé la mienne dans une école privée catholique à Vaucresson, où j’ai vécu jusqu’à 17-18 ans. Quand je suis passé dans le public, on m’a fait redoubler ma 11ème pour des raisons, à mon avis, purement idéologiques. Mauvais en 6ème, j’ai aussi redoublé. Puis, j’ai raté l’examen final de Sciences- Po. Spécialiste du : « j’en fais le minimum », je travaillais les disciplines qui m’intéressaient. C’est pour ça que j’ai été sanctionné. J’ai quand même terminé deux licences, une maîtrise et j’ai eu la chance d’avoir des parents ouverts au monde et dotés d’une bonne culture générale. A la maison, le Nouvel Obs’ côtoyait Le Figaro. Nous recevions des amis homosexuels que je percevais comme tels. Nous vivions confortablement grâce aux musiques de films et chansons de mon père – c’était un environnement très bourgeois de personnes installées – mais contrebalancé par le fait de baigner dans la peinture, le théâtre, de Jean Vilar au Living Theater. Ma maman, très bien élevée, aurait pu incarner une bourgeoise dans un film de Chabrol. Mais, l’été, elle allait au festival d’Avignon, voyait le off, me racontait les spectacles qui avaient fait scandale… Cette curiosité a forgé le journaliste que je suis.

Sentez-vous la défiance des Français vis-à-vis de la presse ?

Bien sûr. Et que les journalistes puissent contribuer à la désespérance qu’il y a dans notre pays, m’atteint, me perturbe et j’espère en partie pouvoir y échapper. Depuis quelques années, un certain nombre de personnes préfèrent s’informer sur des réseaux parallèles, notamment sur Internet. Ce choix est un questionnement renvoyé à chaque journaliste. Je pense, pourtant, faire mon travail proprement, tout comme ceux avec qui je collabore et j’aimerais que les gens s’en rendent compte. A RTL, nous sommes une rédaction libre, qui essaie d’être mesurée dans ses appréciations.

Le traitement de l’info n’est-il pas un peu trop « vu de Paris » ?

A Sciences-Po, j’ai côtoyé des élèves aujourd’hui ministres. On avait le même mode de vie, on mangeait aux mêmes endroits et, si on allait au bout de la logique, je dirais qu’on était susceptibles de partir en vacances vers les mêmes destinations. Ce qui m’inquiète le plus, c’est l’entre-soi permanent. On n’a pas à se renier, à s’inventer une vie qu’on n’a pas. Inutile d’habiter une cité pour évoquer ce qui s’y passe, d’être musulman pour aborder la question de l’Islam en France ou artiste pour juger de la qualité d’une œuvre. Mais un journaliste doit garder à l’esprit qu’il travaille pour un public plus large que celui qu’il représente.

Georges Marchais traitait les journalistes de « cumulards ». Ca ne vous semble problématique de retrouver les mêmes têtes aux commandes d’émissions influentes ?

Je dois m’inclure dans le lot puisque je pratique ce cumul. Je suis omniprésent ; c’est un choix de ma part, des maisons qui m’emploient et du public qui me suis. Si vous voulez suggérer qu’il faudrait qu’on change un peu les binettes, que ça ferait un peu d’air frais, je ne peux pas vous dire l’inverse. Je suis obligé d’affronter des réalités et sentiments contradictoires là-dessus. Car, en même temps, j’ai envie de garder ma place et je crois que je sers à quelque chose. Aujourd’hui, il y a pléthore de supports d’information. Si vous êtes toujours là face à une offre aussi importante, c’est que vous apportez quelque chose en plus.

Avec leur rapidité et leur direct permanent, les chaînes d’info impactent-t-elles les autres médias ?

On est bouleversé par ces chaînes, mais je ne vais pas vous en dire du mal parce que je les regarde toutes dans le bocal de RTL. Et que j’y ai participé, avec le premier talk-show diffusé sur une chaîne d’information continue, LCI, créée par mon producteur, ami et mentor Jérôme Bellay. Le jour de son lancement, Jérôme nous a dit : « Si nous étions un avion, nous ne nous reposerions jamais sur le sol. C’est ça, l’information continue. Alors je vous demande, comme nous aurons toujours un temps d’avance sur nos concurrents, d’être encore plus vigilants et plus calmes ». Alors, oui, elles génèrent une course à l’info, mais qui a toujours existé. Ce qui est ennuyeux, c’est qu’elles sont obligées, à un moment, de prendre un os et de le ronger. A RTL, quand on a commencé la tranche, j’ai demandé qu’on ne s’occupe pas de nos concurrents radio – on fait nos choix et on les assume – et j’ai insisté sur le fait que BFM TV ou I TELE n’ont pas toujours raison.

Qu’avez-vous sacrifié à cette profession ?

Mon rapport au temps et à mon métier ont eu un coût qui s’appelle la liberté. Je suis dans un réseau de contraintes, mais que j’ai voulu, avec la chance de vivre dans une famille où l’on comprend et où l’on accepte ce choix. Cependant, j’ai toujours vu ma fille de 15 ans en rentrant chez moi, j’ai assisté aux réunions de parents d’élèves, je vérifie le livret quand il arrive, je discute avec elle, je la regarde pousser… Ma femme a fait des allers-retours dans mon métier parce que je voulais qu’on soit plus proche, qu’elle partage avec moi certaines émotions. Je me suis privé de beaucoup de liberté pour cet investissement, mais il me rend heureux.

Eric Naulleau est votre ami depuis le lycée. Vous évoquez vos styles très différents ?

Absolument pas. D’abord parce qu’il est « sur-occupé » et que je le vois très peu. Il est cependant affectivement très présent, il est venu à l’enterrement de mes parents et, si j’ai besoin de lui, il sera là et inversement. Quand on se retrouve, on est simplement heureux d’évoquer nos souvenirs. Il fait peur à des tas de gens, mais, moi, je continue à voir en lui la bouille du môme qui jouait au foot et imitait Platini. L’éditorialisme permanent qu’il a choisi et qui consiste à donner son avis sur tout, est exactement l’inverse du journalisme que je pratique, puisque j’essaie de dominer mes pulsions et d’aller vers une approche généraliste. Ca me fait très plaisir d’entendre : « on ne sait pas si Calvi vote à droite ou à gauche ». Alors que j’appartiens à une génération où, à une époque, 80 % de mes confrères penchaient à gauche et où le simple fait d’imaginer que vous n’étiez pas de ce bord était un scandale…

RTL Matin du lundi au vendredi de 7h à 9h30.

C’est dans l’air sur France 5 du lundi au vendredi à 17h 45. (Rediffusion à 22h25)

A lire aussi : l’interview de Charles Aznavour.

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