Antoine, Vietnam

Publié le 5 novembre 2008 à 15:30 Mis à jour le 18 octobre 2017 à 14:04
Antoine, Vietnam
“Personne ne fait le thit kho tel qu’on le mangeait”

 » Noël, fête sacrée pour les Asiatiques qui n’en connaissent pas toujours la signification, a été introduit en Indochine par les Français. Je suis né en 1926, à Saigon, d’un officier de la Navale marié avec une Vietnamienne, ce qui était rare à l’époque. En plantant 900 hectares d’hévéas grâce à sa petite solde d’officier, Papa avait fait fortune. Pour Noël, il nous rapportait de Dalat un sapin. Il jetait un sac de pièces de cinq sous dans le jardin que je me précipitais pour ramasser avec tous les gamins du village… Maman, devenue catholique, nous amenait à l’église. Le 16 août 1939, je débarquais à Marseille, la guerre a été déclarée le 3 septembre. Écolier au Mans, j’étais le seul “Chinois”! Je n’osais dire à personne que je parlais chinois, vietnamien et portugais, en plus du français. J’écrivais des lettres très dures à mon père, lui reprochant d’avoir épousé une Asiatique. Mais lors d’une surprise- partie, la plus belle fille du Mans a jeté son dévolu sur moi… Je suis devenu le roi de la ville.

Les Asiatiques respectent beaucoup leurs grands-parents, avec une certaine réserve… que mes sept petits-enfants – six filles et un garçon – n’éprouvent guère à mon égard. Je suis très gentil avec eux, mais exigeant. Je leur ai appris à avoir un grand respect d’eux-mêmes: par exemple, quand je leur offre une belle tasse chinoise, c’est pour qu’ils boivent eux-mêmes dans cette vaisselle, parce qu’ils en sont dignes. Le jour de Noël, nous mangeons tous ensemble des plats français traditionnels, car aucune cuisinière ne prépare à notre goût le thit kho, le porc caramélisé.”

Aliette de Crozet

Publié dans Pleine Vie n° 270, décembre 2008

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