Evasion : San Francisco cultive sa différence

Publié le 14 septembre 2018 à 08:00 Mis à jour le 14 septembre 2018 à 08:00
La ville et la baie de San Francisco
La métropole rivale de Los Angeles, au nord de la Californie, affirme son ouverture et son multiculturalisme. Du haut de ses collines flotte toujours un doux parfum de tolérance et de liberté.

Cool et décontractée, San Francisco l’est assurément. Je l’observe dès mon arrivée, en visitant Grace Cathedral un mardi, peu avant 6 pm (18 heures). Un peu essoufflé par la montée, je suis d’abord interpellé par les vitraux où figurent Albert Einstein et l’astronaute John Glenn. Peu à peu, mon attention se porte sur le labyrinthe, inspiré de Chartres, au début de la nef. Au milieu, un jeune homme accorde son luth sur un tapis de sol bleu. Des dizaines de personnes, en tenue décontractée, s’installent en cercles autour de lui et commencent à s’assouplir… pour leur séance hebdomadaire de yoga ! J’imagine mal ce mélange des genres en France.

Sous le drapeau arc-en-ciel

Grace Cathedral est une église épiscopalienne, une branche de l’anglicanisme connue pour sa tolérance. La chapelle dédiée aux victimes du sida, sur la droite, l’illustre à merveille. Décorée d’un retable signé Keith Haring, artiste américain contemporain adepte du street art, elle commémore les milliers de victimes anonymes. San Francisco a vu une importante communauté homosexuelle s’organiser dès les années 1960, dans le quartier de Castro. Décimée par l’épidémie de sida, elle dut se battre contre Ronald Reagan et les Républicains pour accéder aux soins de santé. À Castro, les tensions se sont apaisées. Le drapeau arc-en-ciel, conçu ici en 1978, flotte pacifiquement sur les bars et quelques magasins spécialisés. Le quartier exprime son exubérance chaque année, en juin, lors de la Gay Pride.

C’est une maison bleue…

Tout près, je vais, à pied bien sûr, devant la maison bleue de Maxime Le Forestier, « accrochée à la colline ». Le chanteur revint ici en pèlerinage en 2011, identifiant grâce à un vieux carnet le lieu où il habita quarante ans plus tôt. La maison victorienne étant verte, on incita les propriétaires à lui donner une teinte plus conforme à la chanson… Inspiré par la liberté et l’esprit débridé des années 1970, je gagne le quartier de Haight-Ashbury. Gilles, mon guide, me narre avec force détails le Summer of Love de 1967, un rassemblement géant mêlant concerts alternatifs, drogue et amour libre. Il tourna au fiasco, attirant des foules d’adolescents désœuvrés mais diffusa aussi des idéaux de paix et de fraternité dans le monde entier. De La Mecque hippie subsistent des restos ethniques, des boutiques de fringues vintage ou d’objets tibétains et quelques musiciens rastas.

Développement durable et healthy food

« Les geeks de la Silicon Valley ont fait exploser les prix de l’ immobilier, me raconte Gilles. Les contestataires vivent de l’autre côté de la baie, vers Oakland. » S’agirait-il de boboïsation ? Sûrement, la ville a d’ailleurs voté à plus de 90% pour Hillary Clinton en 2016. Des grandes utopies collectives sont nés le bien-être, le développement durable et la healthy food. Dans la cité où s’est inventé le bio, on mange veggie, paléo, sans gluten, on privilégie les produits régionaux. Sur les quais, les poubelles sont des compacteurs à énergie solaire qui alertent par wi-fi une fois remplies. On fume aussi du cannabis. Légalisé depuis le 1er janvier 2018 en Californie, en théorie réservé au domicile, son odeur flotte de manière persistante dans l’air. Peut-être aide-t-il certains San Franciscains à escalader les pentes… Port et ville de pionniers, développée lors de la ruée vers l’or de 1848, San Francisco s’est construite en damier, sans souci du relief. C’est d’ailleurs ce qui la rend si unique et si attachante !

Huit virages dans les hortensias

Les rues attaquent bille en tête des collines parfois très pentues comme Russian Hill ou Nob Hill. Les mollets souffrent, mais les perspectives sur la baie et les vagues d’immeubles sont inoubliables, en particulier depuis le cosmopolite Dolores Park, l’Alamo Square ou les Twin Peaks. D’autant que des quantités d’escaliers, de petits passages, de contre-allées, de jardinets s’accrochent aux pentes et font le charme de cette ville à taille humaine. Lombard Street, « la rue la plus tortueuse du monde », serpente ainsi sur huit virages entre les massifs d’hortensias, histoire de réduire l’inclinaison de 27% à 16%. Les dénivelés sont aussi à l’origine du cable car. Il reste encore trois lignes de ces tramways, dont les rames sont tractées par un câble d’acier, 50 centimètres sous la chaussée. Un musée permet de voir fonctionner les moteurs et les gigantesques roues, bruit et odeur d’huile inclus.

D’Alcatraz à Chinatown

Seuls les lions de mer rivalisent en popularité avec les cable cars. Ils s’agglutinent sur des plateformes, le long du quai 39 sur Fisherman’s Wharf. L’île-pénitencier d’Alcatraz n’est qu’à quelques encablures. Une fois posé l’audioguide évoquant les évasions et la vie carcérale, je profite des vues sur la baie et la ville, en particulier Financial District et sa tour pyramidale. Au pied s’étend la plus grande communauté chinoise hors d’Asie. Ravagé lors du tremblement de terre de 1906, Chinatown déploie une architecture sino-américaine à part, conçue pour séduire l’œil du touriste. Les fresques murales ont la part belle, de Bruce Lee aux dragons volants. Amateur de street art, je poursuis dans le quartier hispanique de Mission. Clarion Alley dénonce les inégalités, à coups de couleurs vives, de scènes imagées et de slogans. Le combat contre les discriminations a encore de l’avenir…

GUIDE PRATIQUE

– Se renseigner. Voir sur Visit California et Tourisme San Francisco.

– Formalités. Passeport valide. Il faut obtenir en ligne une autorisation de voyage par système électronique (ESTA). Valable 2 ans, elle coûte 14 $.

– Y aller. United Airlines assure des vols directs et quotidiens entre Paris-CDG et San Francisco. Aller-retour dès 428 €. Tél. 01 71 23 03 35.

– Dans la valise. Adaptateur. Fiches plates 2 broches (110 V). Petite laine et parapluie, même en été.

– Hôtel à San Francisco. Idéalement situé près d’Union Square, le Cornell Hotel de France*** allie confort et prix raisonnable pour la ville, dès 175 $ la double avec taxes et petit-déjeuner. On remonte le temps entre Jeanne d’Arc et Édith Piaf. Sympathique accueil francophone. Un restaurant permet de retrouver quelques grands classiques tricolores. Tél. 001 41 54 21 31 54.

– Visites incontournables. L’île d’Alcatraz est prise d’assaut. Réservation via Internet (38 $ par personne). Nombreux musées d’art : européen au Palace of the Legion of Honor avec de superbes Rodin, moderne au SFMoma ou américain au De Young. Un City Pass regroupe de nombreuses attractions.

– Guide francophone. Gilles Lorent, un sympathique Français installé à San Francisco depuis plusieurs années, propose de passionnantes visites à la journée ou à la demi-journée. Plusieurs formules en groupe ou en privé.

– Retrouver la maison bleue. Elle se situe sur 18th Street, au n° 3841. Seule particularité : une plaque évoque la chanson de Maxime Le Forestier. Pour revivre le contexte hippie des années 1970, lisez « C’est une maison bleue » de Phil Polizatto (Les Arènes). L’auteur, le fameux « Phil à la kena », habitait là en 1971.

– A lire. Top 10 San Francisco. Petit guide très pratique. Hachette, 160 p., 13,20 €. Les Chroniques de San Francisco d’Armistead Maupin. Une saga en 9 tomes, parus de 1978 à 2014. En poche (10-18 ou Points).

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