Voyage : Pérou, au coeur du pays inca

Publié le 25 décembre 2018 à 08:00 Mis à jour le 25 décembre 2018 à 08:00
Voyage au Pérou jusqu’au Machu Picchu
Trois siècles de domination espagnole n'ont laissé qu'un vernis sur les cordillères andines. De Cusco au Machu Picchu, plongée dans un monde fascinant où l'âme inca imprègne autant les pierres monumentales que les sourires des Quechuas.

Peu de pays peuplent autant le rêve et l’imaginaire collectifs que le Pérou, et ce dès l’enfance : les conquistadors espagnols menés par Francisco Pizarro, les derniers indiens refugiés au Machu Picchu (photo), les bijoux en or de cet « Eldorado » jetés en offrande dans les lacs ou versés en rançon pour l’empereur inca Atahualpa. Le dessin animé franco-japonais les Mystérieuses Cités d’or, diffusé sur Récré A2 en 1983, y contribua beaucoup. J’aborde le Pérou nourri de ces références et de l’inoubliable « Quand lama fâché, señor, lui toujours faire ainsi…« , bénissant l’arrosage du capitaine Haddock dans Le Temple du Soleil (publié en album en 1949).

Lima, mégapole frénétique

La capitale me plonge d’emblée dans un Pérou loin des images d’Épinal. Tentaculaire avec ses 8 à 9 millions d’habitants, polluée, brumeuse et embouteillée, Lima fait un grand écart social typique du continent. Première surprise avec une inattendue relève de la garde, chaque jour à midi devant le palais présidentiel. Les cuivres et les casques à plumet rutilent, les pantalons et les épaulettes rouges contrastent avec les vestes blanches, en hommage au drapeau national. Les airs martiaux tournent vite à l’aubade, donnant une atmosphère décontractée à cette place d’Armes cernée de bâtiments officiels ou religieux. La cathédrale étale ses autels et ses retables plaqués d’argent, ses crucifix et ses saints patrons habillés de lourds brocarts. L’art religieux baroque devait impressionner les indigènes et les pousser vers les fonts baptismaux. Au musée Pedro de Osma, je détaille la peinture religieuse coloniale, adaptation locale de modèles européens. Un archange maniéré et élégamment vêtu porte ainsi une arquebuse pour être assimilé à Illapa, le dieu inca de la foudre. Le musée occupe une villa blanche début XXe, de style français, typique des quartiers aisés de Barranco et de Miraflores. Proches de l’océan Pacifique, ils restent les plus prisés, alignant galeries, restaurants branchés et façades colorées.

Cusco au coeur de l’empire

Une grosse heure d’avion sépare la maritime Lima de Cusco, au cœur des Andes. Les mêmes clochers ponctuent le ciel, tandis que patios et balcons de bois agrémentent les bâtisses coloniales. Mais rien n’est pareil. À Cusco, je ralentis mon rythme de marche, en particulier dans les montées. L’altitude, 3400 mètres pour l’ancienne capitale inca, limite les capacités respiratoires, rendant malades les plus sensibles. À défaut d’en chiquer des feuilles, je suce des bonbons à la coca. Mieux vaut aussi s’acclimater avant de trinquer au pisco sour, le cocktail national à base d’eau-de-vie, de citron vert et de blanc d’œuf. La tête tourne vite et le pied ne demande qu’à glisser sur les pavés pentus ! D’autant que j’emprunte la moindre ruelle, fasciné par ces murs incas légèrement inclinés. Sous le couvent Saint-Dominique pointe le temple du Soleil (le vrai), lieu le plus sacré de l’empire. Incroyable mélange lorsque, derrière les galeries du cloître, j’explore les cellules quasi intactes où les grands prêtres accumulaient statues et offrandes d’or.

Partout, je ressens l’énergie de ces pierres massives, ajustées à la perfection. Tout renvoie aux Incas. Sur la place d’Armes, la cathédrale rivalise avec l’église des Jésuites, mais c’est la statue dorée de Tupac Amaru II qui trône au centre. Dernier héritier d’un empire anéanti et précurseur des indépendantistes, le chef indien fut exécuté ici en 1781, après sa « grande rébellion ». Un drapeau arc-en-ciel flotte çà et là. Rien à voir avec celui de San Francisco. Il compte une bande turquoise en plus, et symbolise la ville et le peuple quechua, héritier des Incas. La nostalgie atteint son paroxysme le 24 juin pour l’Inti Raymi, la fête du soleil naissant, calée sur le solstice d’hiver de l’hémisphère sud. Débordant de couleurs, de costumes et de danses, un fastueux cortège se déploie jusqu’à Saqsaywaman, en surplomb de la ville.

L’école fondée par la Française

Cusco ouvre sur la Vallée sacrée des Incas, le long du rio Urubamba. De vertigineuses terrasses défient les pentes des cordillères dont les neiges éternelles et les sommets crèvent les 6 000 mètres. La région est le berceau du maïs, de la pomme de terre et du quinoa, chacun se déclinant en d’infinies variétés. Que ce soit dans la vallée ou sur les hauts plateaux, les conditions de vie des agriculteurs, souvent illettrés, n’ont guère évolué au fil des siècles. Émue par la misère des familles quechuas, Marie-Hélène Miribel a lancé sa fondation il y a vingt ans. « On a commencé par financer des écoles puis on s’est rendu compte que c’était vain. Alors on a créé la nôtre pour donner un futur aux gamins« , raconte cette Française que tout le monde appelle « Petit ». 200 enfants sont ainsi scolarisés à Urubamba, des bourses envoient les meilleurs à l’université. L’initiative est d’autant plus viable que c’est le luxueux hôtel voisin, le Sol y Luna, qui finance la fondation…

Non loin, à Chinchero, une coopérative artisanale regroupe des femmes en tenue et chapeau traditionnels. Elles teintent et tissent la laine de lama en ponchos et en couvertures bariolées pour porter nourrissons ou récoltes. Dans le village, plus guère de temples ni de palais incas, mais des terrasses et une église couverte de fresques. Je parcours les ruines et les étals colorés, suivi d’un entêtant El Condor pasa à la flûte. Le savoir-faire des Incas m’impressionne à Moray et dans les salines de Maras. Le premier site abrite de curieuses terrasses concentriques qui auraient servi à expérimenter différents types de cultures. Niché dans un repli de la montagne, le second éblouit par ses centaines de petits carrés d’eau salée que le soleil assèche.

Machu Picchu, la cité oubliée

Une pause en bord de route pour goûter, ou pas, au cuy (à prononcer « couille »), le cochon d’Inde grillé, et voici Ollantaytambo. L’impressionnante forteresse inca fait le plein, mérité, de touristes chaque matin. C’est en effet de cette bourgade que part le mythique train qui longe la rivière Urubamba durant 1h30 et arrive à Aguas Calientes. Nul ne se préoccupe du marché de souvenirs pour se précipiter vers les navettes. Le Machu Picchu, graal des voyageurs, se dévoile au bout de vingt minutes de lacets. Tout a été dit et montré de cette cité longtemps oubliée, et pourtant je succombe. Sur le premier promontoire, au-dessus de ce tapis vert tendre baigné de lumière et de ces ruines dominées par les 2 700 mètres du Huayna Picchu, le temps est aboli. Je n’entends plus les guides vociférants, ni ne vois les lamas qui broutent les bas-côtés. L’adulte écarquille les yeux, son rêve de gosse est exaucé.

Guide pratique

– Formalités. Passeport valable au moins 6 mois. Pas besoin de visa.

– Réserver un billet. Air France assure des vols directs entre Paris-CDG et Lima ou via Amsterdam. Aller-retour à partir de 755 € par personne, tél. 3654 (0,35 €/ min). Vols intérieurs sur Peruvian, tél. 00 51 171 66 000.

Le Sol y Luna à Urubamba. Au cœur de la Vallée sacrée des Incas, le charme d’un Relais & Châteaux avec 43 casitas noyées dans la verdure, piscine, spa… « Petit » dirige à la fois l’hôtel, la fondation et l’école voisine (visite possible). Dès 89 € par personne, petit-déjeuner inclus. Tél. 00 51 846 08 930.

Hôtel B à Lima. Un hôtel-boutique de grand confort dans le quartier animé de Barranco. 17 chambres doubles dès 142 € par personne. Tél. 00 51 120 60 800.

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