Maria, Espagne
Petite, j’habitais dans une région minière, dans les Asturies, et on profitait de Noël pour se réunir en grand nombre. Car, à l’époque franquiste, il était interdit de se rassembler à 40-50 personnes. J’ai vu tellement de drames à côté des mineurs, j’en vois tellement aujourd’hui dans le tiers-monde, que je me demande où est Dieu. Même si j’ai beaucoup de respect pour les gens qui sont croyants, moi je ne le suis pas. Mais je raconte toujours cette époque à mes cinq petits-enfants, qui ont de 16 mois à 12 ans. Et nous essayons d’être toujours ensemble pour Noël. En France, j’ai gardé beaucoup d’enfants; j’ai tout fait, gardienne, femme de ménage, couturière dans un atelier du Sentier puis cuisinière auprès de l’ambassadeur d’Espagne. Deux métiers magnifiques, j’ai eu de la chance. J’adore travailler, j’adore la cuisine, j’adore manger. Et j’aime les enfants. Pour Noël, nous cuisinons le foie gras, la dinde, mais nous ne faisons plus les beignets, les oreillettes, les madeleines.
Aujourd’hui, nos enfants ont tout ce que nous n’avons pas eu, et c’est très bien comme cela.Mais à Noël, le contraste entre les pauvres et les riches se voit encore plus. Et il y a tellement d’argent gaspillé. On ne va pas leur interdire ni de jouer ni de faire des études, mais il faut qu’ils se rendent compte que ça n’existe pas partout et que des enfants meurent de faim. Je leur demande de faire une liste de Noël, sans dépenser beaucoup, parce que, dehors, certains n’ont même pas de chaussures. Je crois qu’ils le comprennent. Ils me disent: «Qu’importe, mamie, ce que tu vas nous acheter, il ne faut pas dépenser beaucoup.» Et même si je m’occupe beaucoup d’eux, à chaque Noël je me sens obligée d’aider les gens autour de moi.”
Aliette de Crozet
Publié dans Pleine Vie n° 270 décembre 2008
Et aussi: