Aides auditives: Plus tôt, c’est mieux !

Publié le 13 février 2008 à 23:00 Mis à jour le 13 février 2008 à 23:00
Aides auditives: Plus tôt, c’est mieux !
Dépistage précoce, diagnostic, prothèses et orthophonie participent à la prévention de la surdité. Les explications de deux spécialistes à l’occasion de la Journée nationale de l’audition.

Cette 11e campagne de sensibilisation et de prévention des troubles de l’audition est un rendez-vous important, car la baisse de l’audition concerne 4 à 10 millions de personnes, l’imprécision des données soulignant le peu de cas fait de la surdité en France. Ce chiffre ne peut aller qu’en augmentant avec le vieillissement de la population. Il faut aussi prendre compte les risques qu’encourent les jeunes avec l’écoute abusive des baladeurs (traumatismes sonores) et les conséquences des produits toxiques (acide acétylsalicylique, ou aspirine), diurétiques, quinine, certains antibiotiques (aminoglycosides) sur le fonctionnement de l’oreille. Sachant “qu’à partir de 60 ans, la baisse de l’audition (presbyacousie) est inéluctable”, selon le Dr Laurent Vergnon, ancien chef de service ORL à l’hôpital Simone-Veil, il s’agit donc d’un véritable enjeu. D’une part social, car mal entendre conduit à mal comprendre, et donc à s’enfoncer dans un isolement pouvant aller jusqu’à la dépression. D’autre part médical, ce que révèle l’étude menée par le Groupe de recherche Alzheimer presbyacousie (Grap)et évoquée par son vice-président Pascal Boulud (voir notre encadré).

Pourquoi la baisse de l’audition concerne-t-elle presque tout le monde à partir de 60 ans ?

Dr Laurent Vergnon. La presbyacousie est le vieillissement naturel de l’oreille. Longtemps, la perte auditive n’est pas ressentie par la personne mais elle devient problématique lorsqu’elle atteint le seuil de la gêne sociale (autour de 35 dB sur les fréquences 1 000, 2 000, 4 000). Elle affecte d’abord les sons aigus puis s’étend aux sons graves préservés jusqu’alors. Le résultat est qu’on entend toujours les voyelles mais que certaines consonnes se confondent (exemple le S de Suzie avec le f de fusil).

Quand se faire dépister ?

Dr L. V. Dans l’idéal, on devrait se faire dépister dès l’enfance. Et, si les examens sont normaux, ce dépistage peut se pratiquer tous les quatre ou cinq ans. Malheureusement, rien de tout cela n’existe en France. Alors que, de 60 à 65 ans, il faudrait faire deux ou trois examens permettant de juger de l’évolution d’une éventuelle surdité et prendre les mesures qui s’imposent.

En dehors des prothèses, existe-t-il des solutions pour compenser la perte auditive ?

Dr L. V. Oui, si la perte auditive est de transmission (surdité mécanique). Mais la presbyacousie est une surdité de perception (transformation du son en un influx). Dans ce cas, à ma connaissance, seules les aides auditives sont efficaces. Et si on veut améliorer considérablement leur efficacité, elles doivent être accompagnées d’un suivi orthophonique.

Pourquoi est-il préjudiciable de repousser la décision de s’appareiller ?

Dr L. V. Pour profiter pleinement des aides auditives, la personne doit faire un travail qui nécessite la pleine possession de toutes ses facultés. Si l’importance de la surdité entraîne une destruction des centres nerveux de l’audition et des troubles de la compréhension, l’appareillage n’apportera pas autant qu’il l’aurait dû au patient. Il faut donc, à partir du dépistage qui a permis de juger de l’évolution, porter des aides auditives bien avant qu’elles soient indispensables. Ainsi, la personne ne se rendra même plus compte qu’elle entend grâce à ses appareils.

Comment expliquer les résistances psychologiques ?

Dr L. V. En dehors de certains milieux, les Français, en général, ne se soucient que très peu d’apprendre l’usage de leurs sens et ne font absolument rien en ce qui concerne leur audition. Le début de la presbyacousie étant très sournois, la personne atteinte ne s’en aperçoit pas. Elle refuse même d’admettre que ce ne sont pas les autres qui parlent mal. Alors que les aveugles suscitent l’empathie et sont souvent très gais, les sourds, eux, font rire et sont tristes. La société dénie la plus préjudiciable des atteintes sensorielles (souvenons-nous de l’appareil du président Chirac). D’autres pays sont bien mieux préparés à ce vieillissement qu’est la presbyacousie.

Porter des appareils accélère-t-il la baisse auditive ?

Dr L. V. Au contraire ! C’est le fait de mettre l’oreille au repos qui entraîne l’aggravation du mal. Plus l’oreille travaille normalement, mieux elle se porte.

Le médecin traitant peut-il prescrire des aides auditives ?

Dr L. V. Il en a tout à fait le droit et je dirais même le devoir. Mais s’il a un doute sur le diagnostic, si l’examen pose problème ou s’il n’a pas d’audiomètre, il est préférable qu’il dirige son patient vers un médecin ORL.

Comment se définit un bon audioprothésiste ?

Dr L. V. À la qualité du résultat de l’appareillage… Mais il n’est pas le seul responsable d’un échec éventuel. Souvent, c’est le patient qui refuse ou ne porte pas les appareils. Le travail d’apprentissage qui suit l’appareillage est indispensable. Et on peut le comparer à l’étude du piano par exemple. Si vous achetez un superbe instrument mais que vous travaillez insuffisamment vos gammes, le résultat est nul. Il en est de même si vous ne suivez pas les conseils du professeur ou si vous n’en avez pas !

Quel type d’appareillage et de technologie ?

Dr L. V. et Pascal Boulud. L’important, c’est la volonté du patient de se faire appareiller, et qu’il soit en demande de résultats. Il faut alors lui donner toutes les chances de les atteindre, donc l’entourer des conseils d’un bon professionnel. De plus, il n’est pas sûr que, au début, les règles de choix soient univoques. Sans doute vaut-il mieux une prothèse intra-auriculaire bien acceptée mais donnant un résultat assez moyen qu’un contour d’oreille, refusé de principe, mais plus performant.

Combien de temps faut-il pour s’habituer et bien utiliser ses aides auditives ?

Dr L. V. et P. B. Pour percevoir les premiers résultats, il faut peu de temps, mais pour en avoir le plein usage, des mois, voire des années, sont nécessaires. Et surtout, du point de vue de l’ORL, il faut être aidé par un orthophoniste. Les patients qui ne sont pas contents de leur appareil sont le plus souvent ceux qui ont dû faire face seuls aux suites de la mise en place. En conclusion, reconnus et appareillés tôt et correctement, avec un suivi orthophonique poursuivi aussi longtemps que nécessaire, tous les presbyacousiques devraient entendre correctement, même à 100 ans.

Bénédicte Tabone

Article publié dans Pleine Vie en mars 2008

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