AVC, une course contre la montre

Publié le 21 septembre 2015 à 14:00 Mis à jour le 21 septembre 2015 à 14:00
Une prise en charge rapide pour l’AVC
Faiblesse d'un côté du corps, paralysie du visage, d'un bras ou d'une jambe, difficulté à parler : réagissez très vite aux premiers signes d'AVC, pour limiter les lésions cérébrales.

On dénombre plus de 150 000 nouveaux cas d’accident vasculaire chaque année. 75 % d’entre eux concernent des personnes de plus de 65 ans. Appelée également « attaque » ou « congestion cérébrale », cette maladie neurovasculaire affiche un palmarès alarmant : première cause de handicap physique ou intellectuel chez l’adulte, première cause de mortalité chez les femmes, deuxième motif de démence après la maladie d’Alzheimer. Ce qui explique que sa survenue fasse peur à plus de la moitié des Français et que 76 % de nos compatriotes sachent qu’il s’agit d’une urgence médicale* qui impose d’appeler le 15. L’identification des premiers symptômes participe aussi au réflexe de recourir au Samu. Les 4 heures qui suivent les premiers signes de l’AVC sont primordiales pour limiter l’extension des lésions cérébrales et la gravité des séquelles. Le point avec nos experts pour mieux l’identifier, le prendre en charge et même le prévenir.

* Étude « Les Français, la fibrillation atriale et l’AVC », Ifop/Bayer HealthCare, septembre 2014.

Avec nos experts

.Pr Pierre Amarenco, chef du service de neurologie et du Centre d’accueil et de traitement de l’attaque cérébrale de l’hôpital Bichat-Claude Bernard (Paris), directeur scientifique de l’association SOS attaque cérébrale.

.Dr Marie Bruandet, neurologue au service de neurologie et neurovasculaire du groupe hospitalier Paris-Saint-Joseph.

.Pr François Chollet, chef du Pôle neurosciences et coordonnateur de l’unité neurovasculaire au CHU de Toulouse, président de la Société française neurovasculaire.

Connaître les signes avant-coureurs

Moins de 10 % des patients peuvent citer un symptôme d’attaque cérébrale, selon l’association SOS attaque cérébrale. Il est donc essentiel de savoir les reconnaître.

« L’AVC se signale par l’apparition brutale d’un ou de plusieurs symptômes qui, dans 95 % des cas, vont durer. Ce qui impose d’appeler le 15 immédiatement », alerte le Pr François Chollet. Voici ces signes :

. Une faiblesse musculaire ou une paralysie. On ne peut plus bouger une partie ou un côté du corps. Le plus souvent, cela concerne le visage, le bras et la jambe du même côté et ils sont atteints en même temps.

. Une difficulté de la parole et du langage. On bredouille, ce qu’on dit devient incompréhensible ou on ne peut carrément plus parler.

. Un trouble visuel. On perd la vision d’un oeil, plus rarement des deux, ou la moitié du champ des deux yeux. Il arrive aussi de voir le même objet en double. Moins fréquemment, d’autres signes peuvent survenir, l’un accompagnant souvent l’autre.

. La céphalée, le mal de tête soudain, intense et inhabituel, »qui peut révéler une hémorragie cérébrale », explique le Pr Pierre Amarenco, « mais qui ne fait pas évoquer en premier lieu un AVC », complète le Dr Marie Bruandet.

. La perte de la sensibilité ou des fourmillements dans une partie du corps.

. Le trouble soudain de la marche. »On se met à se déplacer comme une personne ivre », décrit le Pr Amarenco.

En résumé, « l’AVC se caractérise par un déficit fonctionnel brusque, mais indolore, ce qui fait que le patient ne s’alarme pas et ne va pas consulter en urgence », prévient le Dr Bruandet. Pourtant, « tout symptôme d’apparence neurologique et de survenue brutale doit inciter à demander immédiatement l’avis du 15 », insiste le Pr Amarenco.

L’accident ischémique transitoire

« Si les trois principaux symptômes d’alerte durent peu, quelques minutes parfois, ils peuvent relever d’un AIT (accident ischémique transitoire), indique le Pr Chollet, et être les signes prémonitoires d’un accident grave et durable. Il faut donc, là aussi, consulter en urgence, même si les symptômes ont disparu, car on court un haut risque de récidive. » « Même si le trouble n’a duré que 30 secondes, il peut révéler un rétrécissement de l’artère carotide ou une arythmie cardiaque, qui risquent d’être responsables d’un AIT », complète le Pr Amarenco. On considère en effet que 25 % des AVC seraient susceptibles d’être évités si un accident ischémique transitoire était détecté à temps par le patient, par son entourage ou par le médecin.

Réagir vite, chaque minute compte !

Toute minute perdue dans la prise en charge d’un AVC peut se solder par la mort de 2 millions de neurones. Et toute demi-heure au-delà de 3 h 30 de délai d’intervention risque de diminuer de 20 % les chances de guérison. Face à la survenue d’un ou plusieurs symptômes d’alerte, le réflexe immédiat est d’appeler le 15 ou le 112. Le médecin urgentiste décidera ou non d’envoyer une ambulance pour acheminer la personne vers une unité neurovasculaire (UNV) ayant des places disponibles. « Quand on appelle le 15, le patient est régulé, annoncé : sa prise en charge est mieux préparée, avec moins de stress », détaille le Dr Bruandet. Pour ne pas perdre de temps, « le 15 peut conseiller d’amener soi-même en voiture la victime d’un AVC vers une unité neurovasculaire, même si celle-ci est assez éloignée, confirme le Pr Chollet. Car, à la différence de l’infarctus du myocarde, la médicalisation du transport n’est pas systématiquement nécessaire pour un AVC. La personne ne court pas de risque vital immédiat, mais un déficit fonctionnel durable. »

Cap sur une unité spécialisée

Une prise en charge très rapide permet de confirmer le diagnostic et de débuter très vite le traitement en vue de supprimer ou diminuer les lésions cérébrales ; donc les risques de séquelles et de décès (60 000 par an).

. Le diagnostic. Dans l’idéal, il est réalisé dans une UNV spécialisée dans la prise en charge des AVC, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Son personnel se compose de neurologues, infirmiers, aides-soignantes, kinésithérapeutes, orthophonistes, ergothérapeutes et assistantes sociales. L’affirmation du diagnostic se fait soit par imagerie par résonance magnétique (IRM), soit par scanner en cas d’absence ou d’indisponibilité d’IRM ou pour les patients porteurs de pacemaker.

. Le traitement en phase aiguë. Si le médecin constate, après bilan par imagerie médicale, que l’accident neurovasculaire n’est pas trop grave, qu’il n’y a pas de risque d’hémorragie cérébrale et qu’il s’agit bien d’un AVC ischémique avec persistance des troubles, une thrombolyse peut être réalisée. « Et le plus tôt possible pour une meilleure efficacité », insiste le Dr Bruandet ; c’est-à-dire dans les 4 h 30 maximum après les premiers signes. Le traitement consiste à injecter un médicament dans une veine du bras pour dissoudre le caillot formé dans l’artère du cerveau. « Mais cette technique de référence n’est possible et efficace que dans 15 % des cas, reconnaît le Pr Chollet. La grande majorité des patients ne peuvent en bénéficier, soit parce qu’ils arrivent trop tard dans l’unité spécialisée soit parce qu’ils présentent des contre-indications » (intervention chirurgicale récente ou hémorragie survenue au cours des deux semaines précédentes, prise d’un traitement anticoagulant, AVC hémorragique). « On ne thrombolyse que 5 % des patients en moyenne nationale, constate le Pr Amarenco. 40 % de ceux qui sont traités ainsi récupèrent complètement de leur AVC. Mais il en reste quand même 60 % pour lesquels cela ne marche pas. D’où la nécessité de multiplier les cliniques d’AIT qui permettent d’éviter un AVC ultérieur. »

En cas d’impossibilité de thrombolyse, le traitement classique passe par l’hospitalisation dans une UNV pour :

– traiter les facteurs secondaires et aggravants (fièvre, taux de sucre dans le sang trop élevé…) ;

– prévenir les complications associées à l’AVC ou à l’alitement prolongé (phlébite, infection pulmonaire liée à un problème de déglutition, de « fausse route » chez les personnes âgées) ; – donner au patient des médicaments anticoagulants ou antiplaquettaires ;

– mettre en place une rééducation. « La prise en charge, multidisciplinaire, en UNV, diminue la mortalité ou morbidité de 20 % », note le Pr Chollet.

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