Coronavirus : quand l’illectronisme et la dépendance empêchent les personnes âgées de se faire vacciner

Publié le 18 février 2021 à 11:32 Mis à jour le 17 juin 2021 à 15:07
vaccination personnes âgées
La campagne de vaccination contre le Covid-19 a débuté fin décembre en France, priorisant les personnes âgées. Mais alors que la prise de rendez-vous en ligne est encouragée, certaines voix s'élèvent pour alerter sur les conséquences de ce procédé chez les plus de 75 ans.

Depuis le 18 janvier, la vaccination contre le coronavirus en France est ouverte aux personnes âgées résidant à domicile. Pour les personnes concernées, la prise de rendez-vous dans les centres de vaccination est notamment possible en ligne par le biais du site Santé.fr qui renvoie ensuite vers les plateformes Doctolib, Maiia et Keldoc.

Une personne de plus de 75 ans sur deux n’a pas accès à Internet à domicile

Or d’après une étude de l’Insee datant d’octobre 2019, une personne de plus de 75 ans sur deux n’a pas accès à Internet à son domicile et 67% d’entre elles souffrent d’illectronisme, soit d’une incapacité d’utiliser les outils informatiques. De là à conclure qu’une partie des personnes âgées de plus de 75 ans ne peut se faire vacciner en raison des outils informatiques, il n’y a qu’un pas que franchit Laurent Levasseur, directeur de l’entreprise de téléassistance Bluelinea. « Sans boite mail, pas de vaccin » déplore-t-il.

S’il est difficile de savoir avec exactitude quelle proportion de la population est concernée, ce dernier observe « l’étendue des dégâts » auprès de sa clientèle. « Au départ, nous voulions rendre service aux familles qui nous font confiance et l’accompagnement à la vaccination des personnes âgées est quasiment devenu une activité à part entière » commente-t-il, car si certains peuvent demander de l’aide à leur proches, pour les personnes âgées isolées, la tâche devient plus complexe.

Aujourd’hui, sur ses 30 000 clients, l’entreprise compte 2000 personnes qui attendent une vaccination. « Tous les jours il y a au moins une centaine de personnes qui nous appelle […] pour attirer notre attention sur le fait qu’elles n’ont personne qui les aide sur le sujet et que c’est grâce à notre attention qu’elles vont réussir à être vaccinées » souligne le directeur de Bluelinea.

La prise de rendez-vous par téléphone pas adaptée à ce public

Quid de la prise de rendez-vous par téléphone ? Elle serait inadaptée pour les personnes âgées en raison du besoin d’accompagnement, juge notre spécialiste. « Parce qu’entre la date, l’heure, comment ils vont s’y rendre […] ça ne se fait pas en une fois » explique-t-il, précisant que « si une personne de 95 ans doit appeler un numéro vert, je peux vous assurer que seule, elle ne le fait pas. Elle ne sait pas faire parce qu’elle n’est pas mobile » avant de conclure que « ça peut paraître surprenant, mais c’est la réalité ».

Un accompagnement à la vaccination nécessaire pour les personnes âgées et dépendantes

Dès lors, quelles solutions mettre en place ? « Il aurait fallu donner la possibilité aux auxiliaires de vie et aux structures de service à la personne d’aider à prendre ces rendez-vous car ce sont des personnes qui vont à leur domicile. Il aurait fallu qu’elles puissent avoir un mandat et qu’elles puissent avoir le droit d’accompagner physiquement et intellectuellement les personnes à cette vaccination«  affirme Laurent Levasseur, car ces structures sont les « mieux placées ».

« Ce que vous pouvez faire pour votre grand-mère, vous ne pouvez pas le faire pour votre cliente. Il n’y a pas de reconnaissance, de légitimité pour cet aspect-là » déplore-t-il.

La déplacement au centre de vaccination : l’autre frein à la vaccination

Autre problème, inhérent au vaccin, le déplacement des personnes âgées au centre de vaccination. Aujourd’hui, les personnes de plus de 65 ans sont vaccinées avec les vaccins de Pfizer-BioNtech et Moderna, celui d’AstraZeneca, autorisé début février, étant administré uniquement aux personnes de moins de 65 ans en raison d’une absence d’informations sur son efficacité sur les personnes plus âgées. Or, les modalités de conservation des deux premiers (à -70 degrés) complique leur logistique.

« Il y aura toujours une partie de cette population qui est isolée chez elle et qui ne peut pas accéder au centre de vaccination » déclare Laurent Levasseur, précisant que « sur les 2000 personnes qu’on aide dans ce processus de vaccination, on ne sait pas quoi répondre pour à peu près la moitié, car on sait qu’elle ne pourront pas se déplacer facilement et n’auront personne pour les accompagner, et il va falloir qu’on trouve des solutions ».

Ce dernier espère que la vaccination à domicile sera disponible « à très très court terme » afin de répondre aux attentes de ces « grands seniors » qui souhaitent se faire vacciner et qui « vivent avec beaucoup de stress le fait même de se retrouver dans ces centres de vaccination » de peur d’y « croiser le virus ».

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